Je suis née ici même, à Riverdale. Je n'ai jamais voulu quitter cette ville, c'était ma ville, elle contenait beaucoup trop de souvenirs. Le souvenir d'une vie heureuse. Le souvenir d'une famille unie. Les bons moments comme les mauvais passés dans cette maison, qui était marquée par le souvenir de ma vie, de notre vie.  Les rires et les pleurs. Les disputes avec ma sœur et mes deux frères. Les complots avec le petit frère pour pouvoir embêter les grands. Les heures passaient sur le sol de la librairie de mes parents à bouquiner les livres en entendant mes parents me répéter à longueur de temps que je ne devais pas toucher aux livres, car ils ne m'appartenaient pas et que je devais y faire attention. Chaque coin de rue, chaque visage familier, me rappelaient mon enfance, ma vie passait ici. Je me voyais ouvrir ma propre librairie ici en grandissant, je voulais imiter mes parents, mais je n'ai finalement pas suivi cette voie.

Je suis devenue tata à 17 ans. J'ai joué mon rôle à cœur, m'occupant de ma nièce comme il le fallait, comme une tante se devait de le faire. J'ai surtout joué mon rôle quand ma sœur a abandonner sa propre fille, alors qu'elle avait une famille géniale. Je lui en ai longtemps voulu, mais j'ai finalement compris pourquoi elle l'avait fait. Je n'avais jamais de nouvelles d'elle, seulement des lettres, qui ne m'étaient même pas destinées, je me devais de les transmettre à sa fille.

J'ai tenté de joindre ma sœur, elle a eu beaucoup de mal à me répondre, mais je devais insister. Elle devait savoir pour nos parents, elle devait savoir qu'ils s'étaient tués dans cet accident de voiture. Après l'annonce, elle est rentrée à la maison, un an et demi après son départ. Elle voulait être présente pour l'enterrement. Depuis elle n'est pas repartie, elle a repris l'entreprise de mes parents avec mon petit frère. Nous sommes quasiment tous réunis comme avant dans notre maison d'enfance. J'ai quitté mon vieil appartement, pour retourner vivre ici, là où était réellement ma place.

Je n'ai pas le droit de dire que je n'ai pas eu de vie. J'ai vécu pour ma famille. Pour mes parents, pour les rendre fiers. J'ai joué pleinement mon rôle de sœur, je ne devais pas abandonner ma famille comme ma sœur avait pu le faire dans le passé, je ne devais pas reproduire ses erreurs. Je dois pourtant les laisser un peu de côté aujourd'hui, Juliette est de retour, mes parents sont décédés. Je dois penser un peu plus à moi. Je dois tenter d'avoir ma propre famille, sans jamais avoir à abandonner les miens.