Je me suis souvent demandé si je devais lui pardonner. Après tout, elle nous avait abandonné, moi, ses parents, sa fille et les autres personnes qui tenaient à elle. Elle avait abandonné sa famille. Mais je lui avais promis de ne jamais lui en reparler, nous avions tous fait cette promesse. Pourtant, à chaque fois que je la voyais, des milliers de pensées se bousculaient dans ma tête, des milliers de questions brûlaient mes lèvres, mais je devais enfouir tout cela. Je lui avais pardonné, je devais oublier. Nous devions être soudées comme autre fois, je voulais que tout redevienne comme avant, mais je savais que ça restait quasiment impossible. Une partie de notre complicité s'était éteinte quand elle a quitté Riverdale. Ce n'était pourtant pas ce qui m'empêchait d'aller la voir assez souvent. Essayant peut-être malgré tout de reconstruire ce lien.

Je venais de finir une lourde commande pour un mariage, des clients super compliqués, de quoi attraper une migraine chaque soir après le travail. La boutique venait tout juste de fermer, il était encore tôt et le soleil brillait encore. Je n'avais pas envie de rentrer chez moi, je voulais marcher, profitais de la chaleur qui frappait mon visage. Je ne savais pas où j'allais. Sans savoir, je me retrouvais devant la librairie de mes parents, ils étaient morts, mais pour moi, c'était toujours leur librairie. J'hésitais quelques instants, pourtant j'avais l'habitude de venir ici, avant de pousser la porte d'entrée et d'entendre la sonnette retentir. Je ne voyais personne à l'horizon, pas de sœur, pas de frère, pas d'employé, seulement un client avec le visage recouvert de livre. " Je vous conseille d'aller poser ça sur le comptoir là-bas, vous risquez de vous faire mal. " Je ne lui laissais pas le temps de me répondre. Je scrutais les rayons à la recherche d'un visage familier. " Juliette, te voilà enfin. J'ai bien cru qu'il n'y avait personne ici. Comment tu vas ? " Je regardais les livres qu'elle avait dans les mains et ceux qu'il y avait dans la caisse sur le sol. J'ai alors retiré mon manteau et mon sac avant d'aller les mettre dans la petite pièce fermée à clé dans le fond de la librairie. De nouveau au côté de Juliette, j'avais également pris quelques livres dans mes mains, afin de les ranger. " Je vais t'aider... Tu es toute seule aujourd'hui ? Personne ne travaille dans cette librairie ? " Je pouvais l'aider, après cette librairie était aussi la mienne.

Depuis mon retour à Riverdale, j'essayais d'avoir une vie aussi normale que possible. Je refusais d'aller voir mon mari et ma fille, avant d'avoir une vie suffisamment stable. Je ne voulais pas faire les mêmes erreurs deux fois. Pour être franche, j'étais aussi effrayée à l'idée d'aller les voir. J'appréhendais leur réaction, ils allaient me détester et c'était tout à fait normal. Aujourd'hui, je vivais dans la maison dans laquelle j'avais grandi et j'avais repris avec le plus jeune de mes frères leur librairie. Dire qu'il avait fallu attendre leur mort pour que je réalise que cette vie avec ma famille me manquait. J'avais raté tellement de choses.

Je travaillais à la boutique quasiment tous les jours pour éviter de rester chez moi, enfermée, à ne rien faire. Nous étions trois à travailler, mon plus jeune frère, un employé, et moi. Les deux premiers avaient terminé leur journée, j'étais donc seule. La boutique était calme, il n'y avait qu'un client. J'en profitais pour faire un peu de rangement et mettre de nouveaux livres en rayon. Je me retournais brusquement lorsqu'une voix familière m'avait interrompu. « Tu m'as fait peur ! Je vais bien et toi ? » Elle ne restait pas bien longtemps avant d'aller poser ses affaires dans la salle au fond de la librairie. Ma petite soeur semblait m'avoir pardonné, elle n'évoquait jamais mes erreurs, comme je l'avais demandé. On essayait de se voir aussi souvent que possible, la preuve, après son boulot, elle passait me voir alors qu'elle avait certainement un tas de choses à faire. Jaelyn était revenue à peine une minute après, venant m'aider à faire mon travail. « Merci. » avais-je répondu dans un premier temps. « Ils ont bien le droit à un peu de repos. Je suis toute seule depuis une petite heure environ. Le petit voulait rester, mais il a mieux à faire que d'être ici. Et regarde, te voilà, donc je ne suis plus toute seule. » Le plus jeune de notre frère n'avait rien d'un petit, mais j'aimais lui donner ce surnom. Bref, tout en continuant de ranger les livres, je tournais les yeux vers ma soeur, autant profiter de sa présence pour prendre le temps de discuter un peu : « tu as passé une bonne journée ? »

Tous les jours se ressemblaient chez moi, je me levais, j'allais bosser, si le soleil était présent, j'allais marcher et je finissais dans l'ancienne librairie de mes parents. Cette journée était donc comme les autres. " Je suis aussi effrayante que ça ? Je vais bien aussi, je te remercie. " Je prononçais ces mots tout en me dirigeant vers la porte dans le fond de la librairie. Je devais y déposer mes affaires, pour pouvoir aider ma sœur en étant plus à l'aise. " Je suis bien d'accord, mais l'employé aurait pu rester un peu plus tard. Où prend un autre employé. Je sais bien, mais je ne suis pas là le reste de la journée. " Je rangeais les livres comme je le faisais quand je venais aider mes parents. Quasiment rien n'avait changé ici. C'était toujours la même boutique, celle où j'aimais passer du temps. C'était comme reposant ici pour moi, cet endroit était plein de souvenirs et c'était l'endroit où je pouvais voir ma sœur en dehors de la maison, comme avant. " Je peux dire que c'était une bonne journée dans le sens où j'ai terminé ma commande dans les temps et parce qu'elle va me rapporter un peu d'argent. Mais par pitié, j'espère que les prochains clients qui viennent chez moi pour un mariage, n'ont pas intérêt à être comme eux, parce que je veux bien être gentille, mais il ne faut pas pousser. Ils étaient super chiants, je te promets, tu ne peux pas imaginer. Ils n'aimaient rien, je ne sais même pas pourquoi ils voulaient des fleurs pour leur mariage, puisqu'ils trouvent ça moche et sans intérêt. " J'aimais beaucoup mon métier et je savais que comme dans chaque métier, j'allais devoir travailler pour des clients chiants, mais c'était loin d'être agréable. J'étais fatiguée, mais je voulais rester jusque-là fermeture. J'espérais juste qu'elle n'allait pas partir trop tard. " Tu finis dans combien de temps à peu près ? " Je n'espérais qu'une chose, l'entendre dire "bientôt, dans moins d'une heure". J'avais envie de rentrer chez moi, de m'allonger et de m'endormir. Je voulais savoir si nous allions rentrer dans la maison de famille en même temps ou non.